«(…) chaque livre ronge, à sa manière, les définitions balisées du monde culturel afin de donner l’appétit d’un monde cosmopolitique… des mondes déjà-là dans les pratiques singulières des auteurs-producteurs, mais continuellement appauvris et recouverts par les découpages standardisés…

Seule une reconsidération des catégories pourra mettre en lumière le travail enseveli par les machines culturelles… Le choix des auteurs et collectifs issus pour la plupart de pratiques non-académiques (Souterrain, Josée Andrei, Serge Thiry, …) exprime l’urgence d’un élargissement des critères mis en place dans les écoles et les institutions culturelles afin de ne pas disqualifier des productions indisciplinées…

Le travail des Éditions du Souffle consiste à traquer les multiples et permanentes disqualifications dont les milieux non-académiques, populaires, minoritaires font l’objet… Chaque livre devenant un instrument actif (comme en sorcellerie) qui force de nouvelles représentations et ouvre chaque placard afin d’affirmer des mondes empêchés de vivre différemment et dignement… Chaque livre étant un système de protection inventé par les disqualifiés eux-mêmes et une manière de sortir au grand jour, d’affirmer la complexité des mondes populaires, non académiques, minoritaires, afin de prendre et d’arracher leur place au soleil et de redistribuer les espaces-clos de la culture…

Une plaque tournante du trafic d’auto-proclamation de nouveaux mondes… Un lieu populaire de rencontres entre artistes, intellectuels, immigrés, chômeurs, chercheurs qui s’incarne dans des espace-livres afin de devenir visible, ensoleillé et de créer des débordements de définitions… Afin d’obliger, à coup de visibilité et de luminosité, de composer avec ces mondes et d’arrêter de confisquer l’espace nécessaire sous-pretexte que ces mondes n’existent pas encore.

Éviter d’attendre les petits matins de l‘émancipation, une des plus grande invention pour continuer à ne jamais ouvrir les espaces et les places (comptées) aptes à enfanter ces mondes déstabilisateurs et joyeux ! (…)»

- Fabrizio Terranova.